Plenaries

Prof Jacques Durand (Université Toulouse II – Jean Jaurès).

Le français en Occitanie : discours de la méthode

Nom propre et articles définis dans le titre créent volontairement l’illusion qu’il existerait des domaines clairement identifiables auxquels une seule méthode donnerait des clés d’accès (peut-être en s’inspirant de Descartes comme le préconisait Chomsky, 1966). Mais de quelle Occitanie s’agit-il ? Parle-t-on de ce vaste espace habituellement opposé au domaine d’oïl dans les livres spécialisés (par ex., Bec 1963) qui tracent parfois des frontières précises entre villages et rivières alors même que le terme ‘occitan’, dans ce sens englobant, est souvent contesté pour l’époque moderne ? Ou pourrait-on se limiter à la nouvelle région française Occitanie en oubliant sa création administrative artificielle en 2014 ? Et doit-on croire que le français parlé dans de tels espaces y est homogène, en dépit de tous les travaux variationnistes contemporains démontrant la pluralité des usages ? Le fait est, cependant, que de nombreuses recherches sur le français du midi présentent, particulièrement sur le plan phonologique, des traits largement partagés par un grand nombre de variétés dont certaines sortent du domaine occitan traditionnel (comme le Pays Basque). L’objectif de cette conférence sera de montrer comment un ensemble de recherches effectuées dans le cadre du programme PFC (Phonologie du français contemporain, Durand, Laks, Lyche 2009, Detey et al. 2016) permettent d’affiner notre vision des variétés méridionales en adoptant une méthodologie commune qui, malgré ses limites, permet des comparaisons strictes (voir par ex. Coquillon & Turcsan 2012, Courdès-Murphy 2018, Durand & Eychenne 2006, Durand & Tarrier 2003, Eychenne 2006, 2014, 2015, Sobotta 2007). On peut ainsi comparer ces résultats aux visions que présentent des publications classiques ou plus récentes sur la question (inter alia Brun 1923, 1931, Martinet 1945, Séguy 1951, Borrell 1975, Durand, Slater & Wise 1987, Armstrong and Pooley 2010, Mooney 2016). On peut également commencer à formuler des hypothèses sur la nature du changement (par exemple, la notion d’exception française revisitée par Durand, Eychenne, Lyche 2013 et Tarrier et al. sous presse) et peut-être même estimer la vitesse relative du changement au sein de diverses générations (voir la comparaison entre Marseille et Toulouse réalisée par Courdès-Murphy 2018). Pour élargir le débat, j’avancerai la thèse qu’une utilisation raisonnée et motivée de corpus construits à partir de critères clairs et exploités qualitativement et quantitativement semble une étape incontournable dans la construction d’une science du langage (Durand, Gut & Kristoffersen 2014). Les défenseurs de ce qu’on peut appeler la méthode cartésienne en linguistique nous mettent en garde contre un empirisme naïf car l’induction à la Bacon n’a jamais produit de grandes théories scientifiques (Scheer 2018). Mais qui croit actuellement à une telle forme d’empirisme ? Et mettre sur le même plan les données produites par l’intuition et la patiente construction de « faits » intersubjectivement vérifiables est une erreur qui repose sur l’ambiguïté du terme ‘intuition’, lequel semble aller de l’observation introspective de ses propres usages à la catégorisation de données et à la formation d’hypothèses (Durand 2009, 2017).

Prof Emmanuelle Canut (Université de Lille)

De l’intérêt d’une analyse en genres de discours pour étudier l’apprentissage du langage oral et écrit

Dans les recherches en acquisition du langage, les dimensions orales et écrites de la langue sont généralement soumises à des traitements distincts, les recherches en (socio)linguistique sur la langue parlée étant rarement prises en compte. Nous proposons de revenir sur la notion de continuum oral-écrit pour repenser la problématique de l’apprentissage du français langue première ou langue seconde, chez l’enfant de moins de 6 ans, en particulier lors de son intégration dans le milieu scolaire. La prise en compte des genres de discours, plutôt que la seule modalité orale ou écrite, permet d’identifier les variantes langagières produites par l’enfant, celles ancrées dans un contexte de conversation ordinaire et celles qu’il aura à maîtriser dans d’autres contextes nécessitant davantage de décontextualisation, en particulier dans des discours narratifs et explicatifs. Dès lors, la mise en fonctionnement du langage est envisagée comme un processus à mettre en œuvre à partir des variantes langagières et discursives qui sont proposées par les adultes, lesquelles comportent différents degrés de structuration syntaxique, d’explicite et de complétude, dont certaines sont « écrivables » et constitueront le socle de l’accès à l’écrit. Il reste toutefois à déterminer dans quelle mesure ces variantes sont adaptées à ce que l’enfant est potentiellement capable de s’approprier et de réinvestir, ce qui implique d’interroger la formation des professionnels de l’enfance (et donc celle des enseignants) dans ce domaine.

Prof Mari C Jones (University of Cambridge)

Le normand de là-bas

Owing to its long history of contact with English, Jèrriais, the variety of Norman spoken in Jersey (Channel Islands), is now spoken by, at best, 0.5% of the island’s population. This paper will begin by outlining the current sociolinguistic context of Jèrriais, including the measures that have been put in place during the last three years to try to prevent its imminent extinction. The focus will then turn to an analysis of the linguistic change underway in contemporary Jèrriais, examining whether language contact in this obsolescent variety can be shown to be following a principled structural path.

Prof Leigh Oakes (Queen Mary, University of London)

Pluricentric linguistic justice in Québec: investigating linguistic authority through a reconceptualisation of language attitudes

Of the many debates on language in Québec, one of the most enduring concerns the question of linguistic authority in French. Should Quebecers adhere to a norm defined externally, in France (exonorm)? Or are there good reasons to promote a local standard reflecting socially acceptable usage as determined by Quebecers themselves (endonorm)? While language attitude research has shed some light on these questions, the picture that emerges remains largely ambiguous, owing perhaps to the merging of individual attitudes with broader language ideologies reproduced in a stereotypical fashion.

After a brief history of the question of the norm in Québec as evidenced in academic debates and language attitude research, the paper seeks to bring some clarity to the debate through a reconceptualisation of language attitudes inspired by language policy research within the field of political philosophy/political theory. Extending the notion of ‘linguistic justice’ to the case of pluricentric languages specifically, it proposes the distinct notion of ‘pluricentric linguistic justice’ as a framework for evaluating the ethics of local norm setting and enforcement in such languages. The paper provides a normative reflection on the possible content of pluricentric linguistic justice in the Québec context, weighing up a series of arguments related to the instrumental and identity functions of language. It then presents some results from a quantitative study of attitudes amongst francophone Quebecers about how they position themselves ethically on the topic of norm production and enforcement.